Comprendre le système de classes en Amérique
Tapez dans vos mains si vous aimez le caviar
Alors, tu as vu les élites politiques, hein? 5 millions de dollars pour le mariage de Chelsea, 15000 dollars rien que pour la location des chiottes climatisées – des énormes pissotières en chrome et en verre avec eau chaude et tout le bastringue. Pas de masques à gaz et des feuilles de papier hygiénique rugueux pour ces gars-là.
Oui, ça fait un sacré effet vu du poulailler. Mais la réalité, c’est que quand nous regardons les "élites" politiques, nous regardons le singe qui danse et pas l’homme qui joue de l’orgue de barbarie.
La classe politique à Washington est à peu près aussi éloignée des citoyens ordinaires que la classe dirigeante l’est de la classe politique.
Par exemple, pour gagner leur croûte, ils n’ont pas un boulot à proprement parler, ils tirent leurs revenus de trucs abstraits comme l’investissement et la législation, dont ni l’un ni l’autre n’ont jamais provoqué chez quiconque ni une hernie ni un problème de canal carpien.
En comparaison, les classes dirigeantes ne font rien du tout.
Question argent, la classe politique à Washington est plus riche que la classe ouvrière dans les mêmes proportions que l’est la classe dirigeante par rapport à la classe politique. Ce qui donne à la classe politique un objectif à atteindre. A cette fin, elle a adopté le comportement, les goûts et le style de vie des classes dirigeantes, en vue d’en faire partie. De plus, c’est un processus de mue qui commence avec la bonne université et les bonnes relations et qui atteint son apogée quand on se lance à l’assaut de Washington avec tous les autres jeunes papillons privilégiés et ambitieux.
Ils gagnent assez de pognon pour, au moins, faire semblant avant de pouvoir en être vraiment. 51 des 100 membres du Sénat US sont au minimum millionnaires – probablement plus que ça, dans la mesure où les résidences de plusieurs millions de dollars sont exemptées de figurer dans le calcul officiel du patrimoine. Par exemple, selon ce qu’on prend en compte, à la Chambre des Représentants, la fortune de Nancy Pelosi s’élève soit à 13 millions de dollars soit à 92 millions.
Pourquoi ils se fatiguent à minimiser de telles sommes d’argent, c’est un mystère. 13 millions, 92 millions la différence ne va pas changer notre opinion sur Nancy. Notre opinion étant que la nana est bourrée aux as. Plus que bourrée aux as. Les élus du Congrès relativement pauvres en comparaison, comme Barney Frank, sont presque millionnaires. Le patrimoine qu’il déclare officiellement s’élève à 976.000 dollars. J’ai beau chercher, je ne vois pas comment ils s’en sortent.
En plus des coutumes, la classe politique adopte le canon social et les présupposés de la caste dirigeante, et en particulier, ce qui est le plus nécessaire pour se faire accepter, à savoir que la population a collectivement le QI d’un poulet.
D’accord, c’est peut être difficile de prouver le contraire en ce moment, mais il faut conserver une certaine apparence d’égalité. En tous cas, en tant que groupe, la classe politique pense, a l’air et agit pareil, et agit dans son propre intérêt. C’est ce qui en fait une classe à part entière.
Rien à foutre des prolos, comptons l’argent
Cette classe politique se place entre nous tous ici bas et la minorité infime de la caste dirigeante si loin là-haut qu’on ne sait même pas jusqu’où ça va. Pas la peine de plisser des yeux, on ne les aperçoit pas de là où nous sommes. Ce qui est super pratique pour nier l’existence d’une caste dirigeante. D’autre part, pas besoin d’être un génie pour savoir à quoi s’attendre – ou pas. Les états de service de la classe politique sont limpides.
En tant que couche de millionnaires qui bichonne les castes supérieures qui financent leurs campagnes, ils ont fait leur boulot. Ils ont approuvé l’énorme réduction d’impôts pour les riches de l’administration Bush. Ils ont abandonné le crédit d’impôts par enfant pour les familles dont le revenu est inférieur à 20.000 dollars. Ils ont "réformé" le déremboursement des médicaments de Medicare. Ils ont réformé l’assurance maladie qui va injecter des centaines de milliards de dollars de bénéfices au secteur des assurances.
Toutefois, le meilleur coup qu’ait réalisé la classe politique aux Etats-Unis s’est produit en septembre 2008 quand la machine à rapacité financière du placement immobilier a capoté. Les partis républicain et démocrate, les grands groupes privés, et ceux qui façonnent l’opinion publique se sont alliés pour monter la plus grande opération bipartisane du passé récent en Amérique.
On ne pouvait rien faire d’autre, disaient-ils tous, que racheter pour 700 milliards de dollars d’actifs financiers "toxiques". Sinon, prophétisaient-ils, ce serait la fin du monde. Voulant dire que la chaîne de Ponzi utilisée actuellement aux US, et qu’ils ont toujours vendue à la population comme étant la base de l’économie US, s’effondrerait définitivement.
Et au cas où il y aurait des sceptiques parmi les prolos, il a été rappelé à la population ce qu’elle pouvait y perdre – à savoir tout. Installée dans la salle des chaudières, l’équipe secrète d’agents de Goldman Sachs avait ficelé l’"économie " avec des outils financiers suffisamment explosifs pour pouvoir s’emparer de la maison des travailleurs, ou de ce qu’ils avaient économisé pour leur retraite que le secteur médical siphonnait déjà à une allure inquiétante. Il fallait faire quelque chose avant que le secteur de la santé ne rafle tout le pactole.
Yessiiiir! On allait avoir un "effondrement systémique", nom de dieu, et s’il fallait une preuve, il n’y avait qu’à voir comment George Bush et Barack Obama s’accordaient à dire que certains grands groupes US étaient trop importants pour qu’on les laisse sombrer et que, donc, il était temps que la population se mette à écoper la barque. Pendant ce temps, les économistes du royaume étaient unanimes à dire que ce "sauvetage" allait demander 10 trillions de dollars supplémentaires à très brève échéance. Donc, cela doit être sacrément grave et nous n’avons que cette solution. D’accord, les gars?
Montrant un bon sens inhabituel, la population aux Etats-Unis a répondu "N’importe quoi!" à trois ou quatre contre un, selon les régions. Cela n’a pas tellement inquiété la caste politico-économique. Qu’est-ce qu’ils en savent de toute façon, les prolos?
Et alors, en plein milieu du processus, les classes possédantes politico-économiques ont changé les chevaux, après avoir réalisé qu’il y avait plus de blé à se faire en achetant les banques et les grandes industries. C’était anticonstitutionnel, mais on s’en foutait, c’est à ça que servent les Cours Suprêmes. Les prolos ont râlé et scruté leurs écrans télé dans l’attente d’explications qui ne sont jamais venues.
Evidemment, le parti d’opposition étant ce qu’il est actuellement – un fossé plein de sang avec des hyènes hurlantes – l’élection d’Obama signifiait que le parti républicain se devait de dénoncer pour la parade le nouveau président démocrate ou au moins, chier dans le Bureau Ovale, et dire que c’était lui.
Et donc la plupart des républicains qui exerçaient des fonctions officielles en 2008 se devaient de dénoncer publiquement le TARP ("Troubled Asset Relief Program"), le programme gouvernemental de sauvetage du secteur bancaire, les plans de relance, et les énormes sommes distribuées pour renflouer les groupes privés.
De plus, il fallait déployer le bandeau publicitaire de "l’économie de marché autorégulée" suffisamment largement pour dissimuler le Parti Républicain installé dans l’arrière-salle où se passent les marchés.
Le lieu où les compagnies de ventes d’armes élaborent leur stratégie, en se servant d’élus du Congrès et de généraux comme représentants de commerce. Là où il est établi que, comme l’a souligné John Kenneth Galbraith vers la fin de sa vie, quand on pouvait dire la vérité sans risque, "l’actionnaire n’est que du menu fretin, c’est celui qui sera tenu pour responsable à la place des grands groupes privés, et les actions en bourse ne sont que des jetons pour miser sur les Hedge funds ou la Bourse", ainsi que pour les gogos qui s’imaginent réellement être plus malins que le " High Frequency Trading" – connu également sous le nom de "Fraude à Très Grande Vitesse" .
Ah, mais je m’égare.
Quoi de neuf encore? Le principal c’est que la fumée s’est aujourd’hui dissipée, l’argent est bien au chaud dans les coffres de la caste dirigeante, et on fait tourner actuellement la boule pour désigner quelques coupables pour divertir les gens au cours des prochaines années. Les bûchers sur la place publique médiatique nationale attirent toujours les foules.
Bouhouhou! Obama ne veut pas nous laisser jouer!
Heureusement, pour les deux partis, il n’existe pas de mémoire politique aux US. Que Lindsay Lohan soit sortie avec le snowboarder Riley Giles quand ils étaient en clinique de désintoxication, ça oui, on s’en souvient.
Mais que les républicains aient accepté de distribuer des prodigalités comparables, même si elles étaient moins élevées, sous papy Clinton et Papy Bush – eh bien, pour les Américains, cela pourrait tout aussi bien dater de l’Egypte Ancienne.
Comme le fait que les deux partis aient imposé aux banques de faire signer des contrats de prêts immobiliers à un taux élevé à des personnes qui ne remplissaient pas les conditions requises, parce que la hausse excessive des prix de l’immobilier pendant la formation de la bulle immobilière rapporterait des milliards de dollars aux gros investisseurs qui savaient quand retirer leurs billes. S’ils profitent un peu trop de la fête et qu’ils se cassent la figure, ils battent le rappel aux cris de: " too big to fail" (trop importants pour faire faillite). L’administration qui n’a plus la moindre idée de comment faire tourner l’économie, leur fait parvenir des tombereaux d’argent. C’est ce qu’un banquier appelle un "marché gagnant-gagnant": quand le banquier gagne sur les deux tableaux.
Pendant ce temps, les républicains haut-placés avaient quand même besoin de s’en prendre au Négro nouvellement arrivé à la Maison Blanche qui venait de les virer et qui était à l’époque encore très populaire.
Tout ce qu’ils ont trouvé à dire sur le plan de sauvetage, c’est qu’on ne les avait pas assez consultés. "Obama ne nous laisse pas jouer avec lui. Bouhouhou!"
Une façade, bien entendu, puisqu’il faisait exactement ce qu’ils auraient fait: distribuer à tous les banquiers républicains jusqu’au dernier cent que possédaient les gens et encore bien plus de ce qu’ils n’avaient pas, mais qu’ils pouvaient rembourser, euh, disons sur les cent prochaines années ou jusqu’à l’effondrement final, selon ce qui viendrait en premier.
Pour finir, toutefois, personne à Washington n’a contesté le droit de la classe dirigeante de dicter la politique à mener. Après tout, la classe politique était d’accord avec le principal postulat de la classe dirigeante, à savoir que la populace n’y comprend que dalle, n’a jamais rien compris et ne comprendra jamais rien.
Egalement, parce qu’il vaut mieux ne pas trop énerver la population, non pas qu’elle ait un quelconque pouvoir (le pouvoir c’est l’argent en Amérique et ce sont les castes supérieures qui l’ont tout récupéré actuellement) mais parce que les élus auraient à répondre à des questions stupides de la part de gens comme les Tea Party. Ou des adeptes de Ron Paul.
Seigneur!
Howard, reviens, s’il te plait!
Les US ont toujours eu une classe dirigeante, et ils ont toujours raconté au monde entier qu’ils n’en avaient pas. Mais au moins, la classe dirigeante de l’époque était-elle intéressante et variée, parce que divers types d’Américains devenaient riches.
Il y avait les chercheurs de pétrole du Texas. Il y avait les aristocrates du sud, planteurs de coton et de tabac, qui s’envoyaient du bourbon, et caressaient leur portefeuille d’actions et leurs servantes noires. Il y avait les industriels, et les agents immobiliers de Californie et de Floride, les Brahmanes de Boston et les banquiers de New York. Il y avait également Joseph P. Kennedy (père de John Kennedy, NDT), spéculateur boursier et importateur d’alcool de contrebande pendant la Prohibition, sans parler de Prescott Bush qui faisait des affaires avec les nazis pendant la seconde Guerre Mondiale.
Il y avait des gens qui avaient fait des études différentes, ou, parfois, pas d’études du tout. Ils venaient de nombreuses régions, à une époque où l’Amérique avait encore des régions de cultures diverses avant d’être complètement uniformisées et stratifiées pour un maximum d’efficacité capitaliste.
Quoi qu’ils aient été, ils étaient rarement ternes. J’aurais adoré faire la connaissance d’Howard Hughes, un type capable de réaliser un film, et de construire l’avion le plus grand au monde, le Spruce Goose , un avion de 200 tonnes entièrement fabriqué en bois,
sans parler du soutien-gorge avec armatures de la pulpeuse Jane Russell.
Comparez avec Bill Gates et les autres patrons insipides actuels. A vous faire presque regretter les " robber barons ", les anciens capitaines d’industrie.
Vous croyez que Tony Hayward en a quelque chose à cirer?
De nos jours, on entend cela tout le temps: les 1% les plus riches aux US ont plus de biens que l’ensemble des 45% au bas de l’échelle.
J’ai rarement rencontré un Américain qui pensait que c’était une bonne chose et rarement rencontré quelqu’un qui comprenait comment les classes dirigeantes s’étaient enrichies à ce point. Pour faire simple, c’est grâce au développement d’un Etat plus envahissant et aux structures complexes, qui crée des méandres judiciaires et techniques qui permettent de rabattre l’argent vers eux au niveau national et mondial, et, au passage, de protéger leurs arrières.
Et c’est ainsi qu’on se retrouve avec des projets de loi sur l’assurance maladie de 3000 pages (qui définissent quels secteurs privés vont bénéficier du gâteau et dans quelles proportions) ou l’ALENA avec ses 2000 pages et ses 9000 codes produits.
Une fois la population prise dans un tourbillon de paperasserie juridique, de traitements transactionnels, de simulations sur ordinateur, il était facile de prétendre que le monde était devenu si complexe que les qualifications et l’intelligence pour le diriger étaient extrêmement rares et que ceux qui avaient ces aptitudes étaient de sacrés génies. Ce sont des gens qui sont tellement au-dessus du commun des mortels qu’il faudrait leur donner des sommes d’argent considérables et ne jamais remettre en cause leurs décisions. Et c’est comme ça que nous retrouvons des ratés amnésiques comme Timothy Geithner (qui a toujours eu des emplois payés d’une manière ou d’une autre par l’Etat) à la tête du ministère des Finances et des dizaines de milliers de branleurs de l’empire, des commissaires juridiques mesquins, et jusqu’aux Alan Greenspan de cette engeance – un vieux con arrogant et empoté qui n’a jamais compris grand chose, mais qui connaissait les règles: avoir l’air énigmatique et détruire toute l’administration au pouvoir, quelle qu’elle soit.
En fait la sélection naturelle du capitalisme par la médiocrité explique comment British Petroleum a hérité de Tony Hayward, qui a eu le malheur d’être éjecté du bateau pour se retrouver en slip sur les plages des médias.
Si tant est qu’il existe un spécimen de salamandre capitaliste visqueuse, nous l’avons vue là-bas, nue et pleurnicharde. Apparemment, la salamandre va recevoir 18 millions de dollars, plus une retraite atteignant 1 million de dollars par an, et dont l’éventuelle confiscation fait de bons papiers permettant de faire oublier la négligence, l’escroquerie et l’intimidation commises par BP.
Et donc la populace hurle et lance des œufs sur l’homme de paille qui empochait 1,6 millions de dollars par an et qui est maintenant installé sur son yacht pour "essayer de se reconstruire".
Y a-t-il des gens pour croire que Tony Hayward en a quelque chose à cirer de tout ça? Oh, il y aura peut-être de bonnes nouvelles annonçant la disparition de BP, qu’elle a été "absorbée" par une autre compagnie ou comme ça s’est passé pour Enron, qui a été revendue petit à petit, bradée à vil prix à d’autres compagnies géantes pendant que tout le monde suivait l’histoire de Ken Lay (l’ex-PDG d’Enron, NDT).
On aurait pu croire qu’on en aurait tiré les leçons. Les compagnies ne disparaissent pas: elles mutent tout simplement, aspirant l’argent d’une génération à l’autre.
Ils ne l’avoueront jamais, mais les néocons savent qu’ils ont un fond de méchanceté en eux. Ils savent également que s’ils veulent profiter du partage du butin national, ils doivent conquérir les cœurs et les esprits. Ils doivent avoir l’air vertueux et sincères tout en mentant éhontément et en nous faisant les poches. En d’autres termes, ils ont une bonne maîtrise de la politique et des affaires aux US – ce qui est la même chose, évidemment.
La plupart des libéraux américains cultivés, toutefois, croient tout simplement qu’être progressistes fait d’eux, par défaut, les sauveurs du pays – moralement et intellectuellement corrects en toutes circonstances. Pour preuve, ils lisent davantage et sont, censément, plus ouverts que la plupart des conservateurs, sauf quand leur fille sort avec un beauf du nom d’Ernest qui habite dans une caravane installée sur un terrain derrière le centre commercial.
Ils font, de toute évidence, partie de classes cultivées dans un pays connu pour ses écoles lamentables et un public apathique, saturé et peu curieux. L’éducation et l’accès aux études sont actuellement à la base de ce qui délimite les classes sociales. Les études universitaires sont maintenant réservées aux privilégiés. Et ce privilège, quelles que soient la profession ou la carrière choisies, est une opportunité qui dépend de l’Etat. Que le gouvernement soit libéral ou conservateur, peu importe. En fait, cette classe de privilégiés vote démocrate plus sûrement que la classe ouvrière, les latinos ou les noirs.
Et donc, quand les libéraux cultivés lèvent le nez de leur exemplaire de "The Nation" ou de l’émission de Jon Stewart, ils se retrouvent devant une vision d’horreur: des foules de costauds agitant des sachets de thé qui exigent de réductions d’impôts pour permettre de financer de nouvelles écoles et de nouveaux ponts, une Sarah Palin renaissant des cendres de la campagne électorale de McCain pour devenir la grande prêtresse des tribus de gros dégueulasses, avec un mormon du nom de Glenn Beck qui exhorte des millions de fondamentalistes à s’emparer du pays. Ils ont le sentiment que quelque chose s’est terriblement détraqué dans ce pays.
Et ils en concluent aussitôt que c’est la faute du peuple, de son attitude arriérée, son manque de compréhension et sa colère mal orientée, et que c’est sans doute bien fait pour lui, il n’avait qu’à se rassembler derrière la bannière progressiste.
Pas que la bannière progressiste flottait vraiment. Les libéraux US ont baissé leur étendard il y a 40 ans pour se ruer vers les postes confortables dans le technique, l’administration et l’enseignement dans le gouvernement, les universités et les ONG. "Ah, oui," gémissaient-ils, le peuple nous a lâchés. Ils sont absolument écœurants!", et les libéraux approuvaient, et ils approuvent toujours. Il n’y a qu’à voir les commentaires sur le Huffington Post ou le Daily Kos.
Ou bien voyez l’arrogance de la description que fait Barack Obama des Américains "qui s’accrochent à dieu et à leurs fusils". Ce qui est vrai. Toutefois, dans cette déclaration, il est implicite qu’à la fois dieu et les armes désignent une classe de losers ignorants. Quand ses adversaires l’ont épinglé pour cette remarque, il l’a justifiée en soulignant qu’il avait dit: "Ce que tout le monde estime exact". Voulant dire dans sa caste, la caste libérale éduquée.
Difficile d’imaginer que ses prédécesseurs ont été des hommes et les femmes fers-de-lance de luttes comme le procès Scopes, la journée de huit heures, les syndicats, l’anti-maccarthysme, César Chavez, le mouvement des Droits civiques.
Ce sont les grands chiens qui mangent d’abord
La caste dirigeante reste au pouvoir grâce au soutien que les deux partis apportent à leurs donateurs. Ils s’accrochent à leurs dirigeants ou les suivent, comme les rémoras s’accrochent aux gros requins et les poissons pilotes accompagnent les requins, heureux de récupérer les miettes. Les deux partis offrent à leurs militants et à leurs sympathisants des postes grâce à des programmes ou des législations qui permettent justement aux riches de s’enrichir.
Un exemple typique: ce sont les psychologues, les médecins et les travailleurs sociaux qui mettent la moitié du pays sous antidépresseurs et stabilisateurs d’humeur, termes qui devraient foutre la trouille à quiconque saisit le concept de l’Etat-entreprise. Ils obtiennent leurs postes grâce aux fonds publics, ou grâce à la recherche qui définit certains comportements comme étant des pathologies à traiter avec de puissants psychotropes.
Celle qui est à la mode, actuellement, c’est le TOP, le Trouble oppositionnel avec provocation, où les enfants ont des comportements – surprise, surprise – stupides, comme cela peut être éventuellement le cas pour des enfants.
La rébellion à l’adolescence devient un trouble psychologique. Un des symptômes cités par le "manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux" est: "conteste souvent les adultes ", un comportement d’adolescents inouï qui demande la prise immédiate d’antipsychotiques comme le Risperidone. Parmi les effets secondaires du Risperidone, on trouve: une érection qui peut durer des heures, la lactation et les tendances suicidaires. Pffiou!
Big Pharma empoche des milliards supplémentaires sous prétexte de soulager les souffrances de gens. De toute évidence, il y a des millions de gens qui souffrent véritablement, mais si c’est le cas, alors, c’est la société américaine qui souffre.
Jamais, on ne posera publiquement la question de savoir exactement de quelle angoisse psychique souffre l’Amérique. Parce que la réponse est la maladie des matières premières capitalistes et le trouble psychique d’être l’Amérique. Cela voudrait dire qu’il faut consulter M. Marx, qui en a prédit une grande partie, ou le psychiatre Arthur Barsky, qui a mis à jour la définition.
Pour les Américains, l’examen de conscience n’est pas seulement rare, il n’existe pas, ce qui constitue une des causes de notre pathologie.
Sont absents de notre caractère national l’amour du bien-être de tous et notre responsabilité collective civile mutuelle. Mais si nous admettions qu’il y a des responsabilités collectives vis-à-vis des individus de notre société, alors, il nous faudrait nous intéresser à la notion de classes sociales. Il vaut mieux mettre tout le pays sous anxiolytiques.
Pour y parvenir, il faut un Etat tentaculaire.
Ainsi, ceux qui sont déjà riches s’enrichissent et la bourgeoisie dépend davantage des riches. Comme le signale Angelo M. Codevilla, rédacteur en chef et journaliste conservateur, dans un article de juillet 2010:
"En taxant et en distribuant plus d’un tiers de ce que produisent les Américains, grâce à des règlementations qui pénètrent au cœur de la vie en Amérique, notre classe dirigeante se fait l’arbitre entre richesses et pauvreté".
Un tiers, c’est amplement suffisant pour faire pencher la balance à leur avantage.
Etourdissons-les constamment avec des manœuvres de diversion
En attendant, il y a nous tous. Cette énorme masse de brailleurs attachés à la famille, les gens de profession libérale comme les agriculteurs, les libertariens, les patriotes, ceux qui croient en dieu et ceux qui exècrent la religion, ceux qui pensent encore que travailler dur, c’est, contre toute évidence, la voie qui mène à la réussite, ceux qui en savent plus que les autres parce qu’ils vendent des voitures d’occasion ou travaillent à la Poste, des citoyens qui, à juste titre, soupçonnent que les impôts de l’état sont là pour simplement nourrir la bête, ou qui pensent, à juste titre encore, qu’aucun élu ne représente réellement leurs intérêts et que le gouvernement s’occupe actuellement, d’ingénierie sociale (i.e. de manipulations des structures sociales) à des fins économiques.
Chrétiens fondamentalistes, homos, petits commerçants, latino-américains, producteurs bio, anti-IVG, défenseurs de l’IVG, syndicalistes du nord et les anti-syndicalistes du sud, enseignants et bonimenteurs – nous nous sentons tous menacés par l’Etat.
Mais, en même temps, afin de se prémunir d’une révolution, de conserver les militaires comme chair à canon et de préserver les contrats de l’industrie de la défense, ils nous ont lourdement endoctrinés pour nous laisser croire que l’Amérique mène le monde pour tout, et que le reste de l’humanité connaît des conditions moins prospères, vit des vies moins libres et convoite notre "style de vie". En bref, que ce sont des sous-humains.
Et pourtant, nous avons en commun que personne parmi nous n’aime l’idée qu’il existe une classe dirigeante. C’était déjà le cas au tout début. Mais nous ne menons plus d’actions concrètes parce qu’il est devenu impossible de savoir comment s’y prendre pour changer quoi que ce soit.
Au lieu de cela, nous réagissons aux événements. C’est ce que cherche la classe dirigeante, parce que si nous sommes dans la réaction spontanée, alors il est possible d’en maîtriser l’impact en maîtrisant les stimuli.
Etourdissons-les constamment avec des manœuvres de diversion. Et donc, les stimuli ne cessent de nous parvenir plus vite que nous ne l’imaginons. Et ils sont présentés comme le fruit du hasard ou bien la conséquence "d’un monde qui change rapidement", ou l’effondrement d’une banque que personne n’aurait pu imaginer – des événements où il nous faut réagir immédiatement. La plupart d’entre nous baissent les bras. Ce qui, à nouveau, est ce que cherche la classe dirigeante – faire de nous des masses complètement malléables.
Parce que la destruction révolutionnaire du système économique, aussi mauvais soit-il, ferait plonger l’économie encore plus vite que les pratiques de pillage actuelles, il y a peu de chances que nous voyions une révolution véritable destinée à renverser les classes dirigeantes.
Voyez la pitoyable "Tea Party Revolution", dont les membres vont devoir s’allier au Parti républicain (auquel appartiennent les leaders en coulisses, d’ailleurs) en 2012 s’ils veulent représenter quoi que ce soit. Le tapage médiatique sur les Tea Party n’en fait pas un mouvement révolutionnaire, et il ne renverse certainement pas les classes dirigeantes, qui se fichent bien de la colère de la populace tant qu’elle ne se met pas en travers de leur argent.
Et, de plus, c’est la classe dirigeante qui détient tout le pognon, sans parler des médias qui informent les masses de tout ce qui se passe dans le pays. Elle contrôle notre assurance maladie, notre système bancaire et nos fonds de pension. Elle contrôle notre éducation, ou notre absence d’éducation, et elle contrôle le prix, la quantité et la qualité de ce que nous mangeons. Elle contrôle la qualité de l’air que nous respirons, et bientôt, grâce à des crédits de pollution, même le prix que nous payerons pour cet air.
Pire encore, elle s’est accaparée du pouvoir exécutif et législatif, sans parler de la structure des deux partis qui permet de s’arroger davantage de pouvoir encore.
Face à tout cela, se trouve une population très disparate, qui, en dépit de ce que certains prétendent après quelques bières, n’est pas près de prendre les armes ou d’utiliser la force pour renverser la classe dirigeante. Quand sa propre vie et celle de sa famille sont contrôlées à ce point par des gens et des forces invisibles, on ne prend pas de tels risques. Ce n’est pas de la lâcheté. C’est du bon sens.
Et donc, il ne vous reste plus qu’un jeu truqué qu’on appelle l’action législative.
C’est le processus d’un pouvoir invisible, masqué par un autre processus appelé stratégie de communication, qui alimente un autre processus appelé médias, qui choisissent ce qu’on doit voir ou entendre.
Et il y a plein de choses qu’on n’a pas à entendre. Un exemple parmi d’autres: NPR (National Public Radio), le New York Times et des milliers d’autres organes de presse refusent d’utiliser le mot "torture" pour parler du supplice de la simulation de noyade (waterboarding) préférant parler de "techniques d’interrogatoire agressives", ou "interrogatoire sans contraintes", "interrogatoire libre", ou tout autre euphémisme.
NPR justifie l’emploi d’euphémismes pour désigner la torture telle qu’elle est pratiquée par les Etats-Unis en disant que "le terme de torture est chargé de connotations politiques et sociales".
Ah, ouais?
La vérité est une route difficile à prendre
Après des dizaines d’années de consumérisme forcené, l’aliénation qui en découle, et une conscience collective fabriquée par les salades et jeux de miroirs capitalistes, il est évident que la population aux US a bien du mal à reconnaître la vérité, quelle qu’elle soit. Une petite partie de la population commence à saisir la vérité sur ce qui est arrivé à son pays – à savoir qu’il a été racheté par une caste dans un pays censé être dépourvu de classes sociales.
Ils commencent à se rendre compte que, quand il s’agit de véritablement gouverner le pays, nous sommes impuissants en tant qu’individus – même les membres de la classe politique – et nous satisfaisons l’ensemble des désirs de ses véritables propriétaires. Il en est ainsi depuis si longtemps que nous sommes conditionnés pour accepter cela comme un état de fait, quelque chose qu’on ne peut pas changer et dont on ne sait même pas comment le remettre en cause, parce que, comme l’atmosphère, il est là tout simplement.
La Vérité avec un grand V on la reconnait quand on la rencontre. On n’a peut-être pas les mots appropriés, ni la connaissance de tous les faits, mais on la ressent au plus profond de nous-mêmes.
L’intuition est la première lueur dans le lointain. Il va sans dire que nous pouvons toujours ne pas regarder dans la direction de la vérité, ni même la rechercher. Car il est rare que ce soit un spectacle agréable, ce qui est le signe principal qu’il s’agit bien de la vérité. Même le meilleur approche au son de cloches angoissant. Je pense à ce jeune lecteur, Brent B., qui prend le temps de m’envoyer des mails de temps en temps. Aujourd’hui, il a écrit, résumant la seule chose dont je sois certain:
"C’est dur de connaître la vérité dans ce monde, c’est comme si quelque chose en vous mourait, mais parfois, il faut quand même en avoir connaissance".
Joe Bageant a écrit: " Deer Hunting with Jesus: Dispatches from America’s Class War". Son dernier livre: "Rainbow Pie: A Redneck Memoir", évoque le sous-prolétariat blanc aux Etats-Unis et comment il a été délibérément créé.
Note perso
Hé bien, ce phénomène, après la mise en selle de ce loser de NS, choisi sans doute pour sa servilité, son adhésion totale à la classe dirigeante, sa capacité à faire avaler des couleuvres aux gogos, son obsession maladive et puérile de vouloir fréquenter les "grands" de ce monde – et d’être en bonne place sur la photo ("Tu as vu? C’est Papa à côté d’Obama!"; "Regarde, ici, c’est moi aux JO en Chine") – et son âpreté au gain, est exactement ce qui est en train de se passer en France.
Difficile de trouver meilleur VRP.
Sauf que le voyageur de commerce en fait actuellement des tonnes et la caste supérieure n’aime pas l’ostentation. La discrétion est de mise chez les porteurs de valises de pognon.
Mais la stratégie de déploiement est la même qu’aux Etats-Unis, évidemment:
Placer des gens sûrs, de préférence incompétents, de façon à ce qu’ils ne prennent pas d’initiatives personnelles préjudiciables, à des postes sensibles importants, voire haut-placés (la tentative de nomination du fils du président est, en cela, caractéristique, mais aussi le fait que les remaniements ministériels ne soient pas possibles – les meilleurs bourrins, la garde rapprochée, sont déjà tous en place et on les fait jouer aux chaises musicales, en sacrifiant deux ou trois seconds couteaux);
Acheter la loyauté ou le silence en octroyant des privilèges et / ou des sinécures – en particulier à ceux qui pourraient s’avérer dangereux ;
Museler les médias, y mettre des serviteurs dociles grassement payés et prêts à toutes les compromissions, et s’assurer que les médias ne diffusent que ce qui va dans le sens des intérêts de l’oligarchie et pour cela, canaliser les indignations pour détourner l’attention et la colère, et multiplier les provocations pour décourager les luttes.
Ainsi, alors qu’il y a généralement une accalmie en été, où ministres et président partent en villégiature, qu’a-t-on vu, alors que Woerth, le responsable chargé de faire passer en force la contre-réforme des retraites, venait d’être sacrément mis à mal par Médiapart et d’autres?
Ministres et porte-parole, probablement dûment mandatés par le roi fainéant (qui prend ses ordres plus haut, ne l’oublions pas) qui se prélassait au bord de la piscine (rappelez-vous les longues vacances de Bush dans son ranch la première année de son mandat – ce qui lui avait d’ailleurs été reproché parce que cela faisait tache – et qui en dit long sur les responsabilités effectives d’un président, fût-il des Etats-Unis!), se sont épanchés à tour de rôle devant les micros pour lancer une provocation après l’autre.
En première ligne, omniprésent, le ministre de l’intérieur qui annonce, par exemple, une augmentation de 259% de la « délinquance roumaine » à Paris. Fureur.
H*rtefeux et les mensonges: il fait fi des chiffres officiels du ministère qu’il est censé gérer, ce qui, bien entendu, déclenche aussitôt la polémique.
H*rtefeux, Ciotti : contre le sursaut citoyen, la pathétique défense des xénophobes d’Etat
(Ciotti, en voilà un qui est brusquement sorti de nulle part ).
Et le maire de Nice qui déclare, le 1er août: "Les socialistes n’assument pas leurs responsabilités" : dénonçant le "laxisme" de certains maires en matière de sécurité et leur reprochant de ne pas s’être dotés de … vidéo-surveillance (encore des gadgets pour faire profiter les riches de la manne des fonds publics). Scandale.
Plus ils sont bêtes et primaires, et, évidemment, plus ils soulèvent l’indignation. Une stratégie qui paie pour détourner l’attention et la colère des citoyens.
Ce ne sont que quelques exemples, il y en a pléthore.
Et pour contenir la foule: le fichage et la répression sélective- vidéo-surveillance, gardes à vue, constitution de dossiers informatiques, arrestations arbitraires, prélèvements ADN, police de proximité (dénoncée pour "laxisme") remplacée par des unités musclées, impunité policière, encouragement à la création de polices municipales, voire de polices privées, etc.
Nous ne sommes pas encore en phase de verrouillage définitif, mais à l’allure où ça va, nous n’en sommes plus loin.
Si la contre-réforme des retraites passe, ce sera un boulevard pour casser définitivement toutes les protections sociales que nous avons réussi à créer ou à préserver grâce aux luttes successives.
Ce sera aussi la fin définitive d’un syndicalisme vaguement à l’écoute des salariés pour être remplacé par un syndicalisme carrément aux ordres des patrons.
Comme aux Etats-Unis.
A nous de voir.